11 juillet 2013, jour 5
Cette nuit s'est beaucoup mieux passée que les précédentes, je ressens moins la douleur, du coup je suis plus à l'aise et plus libre dans mes mouvements. Mais c'est aussi dangereux, parce que je fais moins attention.
Ce matin j'avais mis le réveil tôt, pour un rdv chez le neurologue. Finalement, me préparer a pris moins de temps que ce que je pensais, du coup on a eu une demie-heure d'avance !
Mon rendez-vous s'est bien passé. Et puis, ça m'a fait du bien de bouger un peu du fauteuil, de voir un autre paysage. Bien sûr, j'ai eu droit aux regards de compassion et aux "bah alors, qu'est-ce qui vous est arrivé?". Mais ça, je commence à être habituée.
Ce matin il faisait plus frais, presque froid. Mais ça aussi, ça fait du bien. Malheureusement ça n'a pas duré.
Ma mère est venue me voir. Pas longtemps au final, puisqu'elle et mon chéri sont vite repartis à l'appartement faire quelques travaux pour l'état des lieux... Elle m'a encore proposé de venir chez elle. Je lui ai dit que je verrai plus tard. Je pense qu'elle est un peu jalouse que je sois chouchoutée par belle-maman et mon chéri plutôt que par elle... Mais j'avoue que pour le moment, je n'ai pas trop envie d'aller m'enterrer à la campagne. De toute façon, il me reste 40 jours de plâtre, j'ai bien le temps de changer d'avis !
J'ai passé mon après-midi toute seule ou presque. Je me débrouille de mieux en mieux, l'air de rien.
En tout cas, j'étais bien occupée à recopier les infos utiles de mon portable, vu qu'il commence à dérailler sérieusement, et que je vais peut-être en changer. Je n'ai même pas lu aujourd'hui !
L'infirmière m'a prévenue, demain c'est prise de sang. Même pas peur, j'ai l'habitude... Il paraît que c'est pour vérifier si j'ai pas un problème qui n'arrive qu'une fois sur 25 000... Avec la poisse que j'ai, on sait jamais.
Ce soir, c'était crêpes. J'étais un peu joyeuse, peut-être que l'inactivité me rend gaga ! Enfin, je voulais aussi faire sourire mon chéri, qui s'est quand même vachement bien occupé des travaux... Il est trop fort, je suis super fière de lui !
Par contre, au fil des jours je vois défiler diverses émissions de télé... Forcément, je suis assise devant. Et bien de manière générale, je suis bien contente d'avoir échappé à ça ces dernières années !
Mercredi 10 juillet 2013 - Jour 4
La nuit n'a pas du tout été plus tranquille. Le lit de mon chéri est très confortable, sauf quand on reste immobile : je finissais par sentir les ressorts du matelas, et cette nuit je me suis réveillée à cause de grosses douleurs dans le bas du dos. J'ai donc dormi sur le côté, ce qui était une très mauvaise idée pour ma cheville, qui me l'a fait payer dès le réveil ! Heureusement que j'ai les anti-douleur. Ce soir je dors sur le même lit, mais rembourré de 3 couches de couvertures, pour ne plus sentir les ressorts.
Encore une longue journée de passée. Ce matin j'ai fait l'effort de descendre pour le petit-déjeuner, je n'en pouvais plus d'être sur ce lit, et de la chaleur étouffante de la chambre. Puis nous sommes remontés pour la toilette. J'ai installé un tabouret devant le lavabo pour m'asseoir, et je me suis lavée au gant. ça ne vaut pas une vraie douche, mais ça fait quand même du bien. Par contre j'ai dû me ré-essuyer en sortant de la salle de bain, tellement il faisait chaud.
Puis je me suis à nouveau retrouvée dans ce fauteuil dont je ne sors plus. J'ai fini L'Herbe bleue ce soir, je vais pouvoir commencer un nouveau livre demain. La morphine m'a fait dormir un peu.
J'ai passé quelques appels, pour gérer le déménagement de loin, comme je peux quoi... Quand j'ai réalisé que j'allais de nouveau devoir sortir des sous, j'ai un peu déprimé... 45€ une résiliation internet ! Franchement, merci SFR !
J'ai eu ma soeur au téléphone, ça m'a fait du bien. Et puis j'ai parlé avec des amies sur Internet ; ça aussi c'était chouette.
Ma journée s'est ainsi écoulée, entre ordi et lecture. La chaleur ne m'aidait pas à trouver de l'énergie. Du coup, j'ai été ravie de voir mon chéri et sa mère rentrer avec un ventilateur qu'ils venaient d'acheter.
Situation cocasse : comme je ne peux pas descendre, j'envoie des sms à mon copain, alors qu'il est à l'étage en dessous. Mieux vaut en rire.
Encore une fois, c'est dur de devoir demander constamment des petits services à tout le monde. Mais je me débrouille de mieux en mieux avec mon plâtre. Du coup, je vais peut-être gagner en autonomie.
Parfois, j'ai l'impression de sentir ces vis qu'ils ont mises dans mon pied. Je ne sais pas si c'est normal ou psychologique ou quoi, mais c'est un peu flippant quand même.
Allez, demain je me lève tôt.... J'espère que cette nuit sera meilleure que les précédentes.
Mardi 9 juillet 2013 - Jour 3
.. C'est dingue comme être contraint à l'immobilité change votre vision des choses. La nuit s'est moyennement passée, toujours aussi difficile de dormir sur le dos... Mais j'ai dormi, c'est l'essentiel. Je me suis réveillée plusieurs fois avant la sonnerie du réveil ; je l'ai même éteint au bout de 2 secondes. C'est plus sympa de réveiller mon chéri par des caresses.
Lui a d'ailleurs été serviable toute la journée, il m'a même impressionnée. Nous avons fait le déménagement comme prévu. A 10h20 la maman de mon chéri est arrivée, ils ont chargé sa voiture puis la camionnette de mon oncle. Pendant tout ce temps, j'étais assise dans un coin de l'appartemement, la jambe tendue posée sur une chaise, quasiment reléguée au rang "d'objet à charger en dernier". Je donnais quelques conseils et indications de temps en temps, mais je me suis sentie vraiment inutile. Même si, à un moment, mon copain m'a tendu un porte-manteaux à dévisser, parce qu'il ne trouvait pas l'outil adéquat.
Puis, dans la voiture de belle-maman, je suis allée jusqu'à sa maison. J'ai dû faire l'effort de maintenir mon plâtre élevé la majorité du trajet pour ne pas souffrir des cahots... galère.
Une fois arrivée sur place, je me suis de nouveau retrouvée posée sur un fauteuil à regarder les autres travailler... Même le frangin de mon chéri s'y est mis, lui qui n'est pourtant pas très serviable.. De nouveau, petit coup de blues en me sentant inutile... J'ai ensuite pas mal bouquiné. Aujourd'hui j'ai fini Des Souris et des hommes et commencé L'Herbe bleue. Et puis, comme j'étais coincée au salon, la télé a aussi un peu occupé mon temps. J'ai donc eu droit à : 4 mariages pour une lune de miel, Bienvenue chez nous, Secret story, puis Money drop... Heureusement, à certains moments, que j'avais mon bouquin !
J'ai aussi eu une première injection. Tous les jours, ça sera piqûre, pour éviter la trombose. Entre le ventre et la cuisse, j'ai choisi la cuisse... Pas sûre que ça soit une bonne idée. Il paraît que ça fait moins mal dans le ventre. Je sais que certaines personnes se font eux-mêmes ces piqûres. ça ne sera pas mon cas, et heureusement ! Même si je supporte bien les piqûres, ça aurait été trop dur. En plus, l'infirmière est gentille comme tout.
Je crois que le plus dur aujourd'hui aura été cette chaleur infernale. Belle-maman a acheté un brumisateur, Dieu bénisse l'inventeur de ce truc ! Mais ça ne suffit pas, et ce soir encore, j'étouffe...
La douleur par contre commence à se calmer un peu, ça fait du bien. Je continue à prendre les anti-douleur très régulièrement (je compte les heures !) , histoire d'éviter la relance. En parlant de ça, ce matin au petit-déjeuner j'ai lu la notice de ces médocs, et découvert qu'ils n'étaient pas compatibles avec un autre traitement que je suis sensée prendre quotidiennement. Bien joué les médecins ! Du coup j'arrête mon autre traitement temporairement, vu que ce n'est pas un traitement lourd. Ce n'est pas la première fois que je me retrouve dans cette situation... Franchement, les médecins qui ne s'occupent QUE de leur spécialité nous mettent parfois vraiment en danger.
Ce soir j'ai dû monter l'escalier pour atteindre la chambre, une nouvelle expérience... Comme il commence par un virage et que les marches sont hautes, je l'ai fait sur les fesses, ce qui a eu l'avantage de rassurer tout le monde en minimisant les risques de chute. Mais une fois arrivée en haut, impossible de me relever ! Je me suis donc traînée jusqu'à la chambre sur les fesses, pour me hisser sur le lit.
Bref, encore des choses à mettre au point. J'espère que cette nuit va être plus tranquille, mais vu la chaleur, j'ai du mal à y croire.
L'herbe bleue
Auteure : Beatrice Sparks
Date : 1971
Je suis tombée là-dessus en fouinant dans la bibliothèque de mon chéri... Et le titre m'a intriguée. Plus tard, quand j'ai eu ma soeur (aînée de 10 ans) au téléphone et que je lui ai parlé de ce bouquin, elle m'a demandé où je l'avais trouvé, et raconté que dans sa jeunesse cet ouvrage avait beaucoup fait parler de lui.
L'histoire...
Un pseudo-journal d'une adolescente qui se retrouve plongée dans l'univers de la drogue. On assiste donc à ses débuts dans ce milieu, lorsqu'elle consomme du LSD à son insu, puis à ses déboires : les amis plus ou moins sains qu'elle rencontre, la fuite de chez ses parents, sa vie quasiment à la rue, son retour, son hospitalisation... Bref ; un témoignage comme aujourd'hui on en trouve assez facilement.
Ce que j'en pense :
ça se ressent peut-être dans ce tout petit résumé ; je n'ai pas vraiment aimé. L'histoire en elle-même est intéressante. Mais l'écriture, c'est autre chose. Il y a un avertissement des éditeurs au début du livre ; comme quoi il s'agirait réellement du "journal intime d'une jeune droguée de 15 ans". Tout de suite, j'ai été frappée par le langage qui ôte toute crédibilité à ce fait : franchement, même dans les années 70, quelle ado de 15 ans écrirait : "Ah ! que ce serait plaisant". Je ne sais pas si ça vient du texte original ou de la traduction, mais cette écriture qui alterne langage supra-sophistique et fautes diverses (surtout de syntaxe), langage dont on voit trop qu'il se veut jeune (et qui du coup perd en sincérité), m'a beaucoup dérangée. Le livre a été publié anonymement ; mais (merci Wikipédia) une psychologue anglaise a avoué finalement en être l'auteure, et qu'il s'agissait d'une fiction inspirée de "journaux de ses patients" et de témoignages divers... Enfin quoi qu'il en soit, moi j'ai trouvé ça absolument pas crédible. Pas à cause de ce que ça raconte, mais à cause de la façon dont c'est écrit. Quel dommage !
La citation : "Quand je vois tous ces traîneurs de cul du coin, je pense que nous sommes vraiment une bande de bons à lape" (parce que cette phrase m'a fait sourire).
Des souris et des hommes
Auteur : John Steinbeck.
Date : 1937
L'histoire...
Nous sommes en Californie. 2 hommes, Georges et Lennie, errent et cherchent du travail dans les ranches. Georges, c'est la tête, Lennie les bras. Effectivement, Lennie est un peu "simple d'esprit", dirait-on aujourd'hui. C'est un grand homme musclé, mais un enfant dans sa tête. Et c'est ce qui leur créé des ennuis. Son amour de la douceur le pousse à caresser tout ce qu'il peut ; par exemple des souris qu'il ramasse en chemin, des chiots mais aussi des femmes... Mais il n'a pas conscience de sa force, et tue les souris.
Un rêve les tient, ce rêve qui leur pousse à chercher des jobs pour gagner de l'argent : avoir leur propre ferme. Lennie montre une obsession pour les lapins, et pour ce rêve, qu'il pousse Georges à répéter...
Ils arrivent dans un nouveau ranch, font de nouvelles connaissances. Pas facile pour Lennie de toujours suivre les conseils / ordres de son compagnon, qui lui recommande d'éviter telle ou telle personne moins sympathique, pour ne pas créer d'ennuis...
Ce que j'en pense :
Une histoire un peu glauque malgré tout, mais très attendrissante. Steinbeck sait bien nous rendre ce côté tendre, enfantin, innocent du personnage. Malgré quelques fautes dans mon édition (reste à savoir si elles sont dues à l'édition ou à l'auteur), je trouve son écriture vraiment claire et touchante. Tout ce récit est très humain. Le relationnel, la violence la fragilité des êtres s'expriment à travers ces quelques 200 pages, et personnellement, j'ai bien aimé.
Mon cher et tendre m'a appris que 2 films avaient été tirés du livre, dont un avec John Malkovitch... Curieuse de voir ça.
La citation : "Vous avez tous peur les uns des autres, c’est pas autre chose. Vous avez tous peur que les autres aient quelque chose à raconter sur votre compte."
8 juillet 2013 ; jour 2
Toute la nuit des infirmières sont venues vérifier mon pied; prendre mes constantes etc... De toute façon, impossible de dormir. Je demande dès le matin quand est-ce que je pourrai partir. Bien sûr; il faut que je voie le médecin...
La dame à côté continue à regarder la télé. J'ai donc droit à Téléachat, télématin (avec 3 fois les mêmes infos), plus Amour gloire et beauté, les Zamours, Motus... Même si j'aime bien cette dernière émission ; la matinée me semble bien longue !
Et puis, j'ai toujours très mal... Les infirmières sont gentilles avec moi. Comme je ne peux pas me servir du bassin, l'une d'entre elle finit par m'aider à aller aux toilettes. C'est très génant; mais c'est le genre de situation où on n'a pas le choix.
Puis mon chéri vient me chercher, il arrive avec mes béquilles, qui ne m'avaient pas servi depuis bien longtemps... Mais bon, je n'ai pas perdu la main (seulement le pied).
Nous repartons en transports en commun, galère ultime. Il fait suprêmement chaud, c'est épuissant.
Arrivée à la maison, je m'allonge sur le clic-clac déplié pour n'en plus bouger. Mon chéri se montre très serviable ; il va chercher mes médicaments à la pharmacie et m'apporte tout ce dont j'ai besoin près du lit. Nous étions en plein déménagement, situation vraiment galère... Nous décidons que dès demain, nous irons chez sa mère. C'est beaucoup plus pratique ; même s'il y a un escalier pour aller dans la chambre. Au moins le lit est un peu plus haut qu'à 30 cm du sol, tout n'est pas dans des cartons, et il y a des fauteuils confortables !
Nous développons quand même quelques petites astuces ; comme mettre un tabouret devant le lavabo pour faire ma toilette ; ou m'asseoir sur une chaise de bureau à roulettes pour me déplacer dans l'appartement...
Je passe une des nuits les plus horribles de ma vie, entre lancées de douleur et difficultés pour dormir sur le dos... Heureusement, je peux dormir en journée. Mais je commence sérieusement à déprimer.
Chronique d'une plâtrée : 7 juillet 2013, jour 1
Aujourd'hui, je me lève ravie : on va au parc des Naudières ! Pour ceux qui ne connaissent pas ; c'est un petit parc d'activités / d'attractions à quelques kilomètres de Nantes. On y trouve pas mal de choses : un train style "grand 8" (mais bien moins grand et pas en 8) ; des trampolines, des piscines à balles, des toboggans, des tyroliennes, des ponts de cordes, des pédalos... Bref il y en a pour tous les goûts là-bas.
Comme souvent lorsqu'on fait des sorties en groupes, je me suis un peu chargée de l'organisation de tout ça. C'est vrai que pour notre sortie annuelle, cette année, ou s'était promis le Futuroscope... Mais c'était pas dans notre budget. L'entrée aux Naudières était à 11euros, alors le choix est vite fait ! En tout cas ; je suis contente car c'est enfin le grand jour, l'occasion de passer une chouette journée d'amusements entre amis !
Je prépare donc le pique-nique (en plus je suis contente parce que j'aime bien les pique-niques) ; un sac de pansements et de médocs parce que, dis-je, "je nous connais", et on est partis.
Nous sommes 8 fous à nous rendre là-bas pour le meilleur et pour le pire, répartis en 2 voitures. Le trajet est assez court et simple et tout se passe bien même si nous avons peur du monde en arrivant sur place !
Une fois rentrés, on ne sait pas par où commencer. Contrairement aux habitudes (et aux clichés), ce sont les garçons qui insistent pour aller avant tout faire un tour au pipi-room, et nous, la gente féminine, avons attendu quelques minutes avant de pouvoir avancer. Nous nous promenons un peu, comme nous promenons nos yeux... Notre balade de découverte nous amène finalement devant le "parcours du combattant"; composé de plusieurs choses, ponts en pneus, saut à la corde et autres folies... Je suis dans le groupe qui démarre, et c'est parti ! Pas très assurée, je saute de pneu en pneu et arrive à la passerelle où il faut s'accrocher à une corde en sautant, se la jouer tarzan en fait.
Je prends la corde; m'y accroche solidement et saute. Et là, c'est le drame. (Ce que j'explique là, je l'ai compris bien plus tard) : lorsque j'arrive assez bas, le bout de ma sandale se pose sur le sol et s'y "accroche"; donc mon pied reste en arrière tandis que le reste de mon corps avance. Douleur incroyable, je ne peux même pas me relever. Je me démêle avant tout de cette putain de corde, le visage crispé et le souffle coupé. Mes amies voient ma tête, m'entendent non pas hurler mais exprimer ma souffrance dans un souffle "puissant"; et vont prévenir mon chéri qui arrive immédiatement.
AÏE. AÏE. AÏEUH.
Ma première pensée a été "non, c'est pas vrai...". Je voulais que ça ne soit qu'une douleur légère, temporaire. Je voulais pouvoir me relever et me poser en attendant que ça passe avant de retourner faire la folle. Mais je sentais bien que c'était pas ça. Je reste donc étalée au sol, grimaçante, regardant mon pied qui se déforme à vue d'oeil, et lançant des regards effrayés à mes amis. Quelqu'un est parti chercher le gérant du parc. En attendant, je suis au milieu de la piste. Des sales gosses ne se gènent quand même pas pour faire l'attraction, ils sautent juste à côté de moi; apparemment ça ne les dérange pas...
Le monsieur arrive, on me déplace un peu à l'ombre, je réalise qu'il est concrètement impossible de poser mon pied. Aïe. Aïe. Aïe, bordel. Le bonhomme du parc appelle l'hôpital, il leur dit que j'ai un "bel oeuf de poule" sur ma cheville, ce qui en a fait sourire certains (et moi après coup). Il faut donc que j'aille aux urgences. Mais le monsieur ne demande pas d'ambulance, il pense que ça ira plus vite que quelqu'un parmi mes amis m'emmène en voiture... Discutable. En attendant, comme je ne peux pas bouger, il demande à ses employés de ramener une golfette pour me conduire jusqu'au parking ; et une poche de glace. On attend. Il nous raconte que la veille un homme s'est foulé la cheville au parc, en se prenant les pieds dans l'allée. Effectivement, on m'en reparlera aux urgences. Mais là, j'aimerais bien qu'il parle d'autre chose. J'ai mal. Mes amis m'observent, avec ce regard qui dit qu'ils ne savent pas quoi faire de plus que compatir... L'une d'entre elle fait remarque que, évidemment, c'est sur moi que ça tombe. Elle a raison de faire cette remarque, en général les couilles c'est toujours pour moi. A ce moment de la journée, aussi dingue que ça puisse paraître, j'ai encore en tête la croyance de pouvoir revenir au parc dans l'après-midi. Il n'y a que mon chéri qui ne veut plus jamais revenir !
Les visiteurs regardent comme un spectacle la golfette qui passe entre eux. Certains demandent même combien il faut payer pour y avoir droit. Le gérant répond que ce n'est pas drôle. Et puis c'est parti, voiture jusqu'à l'hôpital. Je suis assise à l'avant, la tête penchée pour pouvoir maintenir la glace sur ma cheville. On se plante d'hôpital (le premier n'a pas de service d'urgences), pas grave, on repart de plus belle. Je grimace toujours, je souffle et je souffre, mais je ne pleure pas. On arrive au CHU ; l'urgentiste qui amène le fauteuil roulant à la voiture annonce qu'il y a de l'attente. Pas le choix. On fait donc l'entrée, puis je vais dans une salle d'attente. Mon copain ne peut pas rester avec moi, fait chier. L'infirmier s'est servi d'un spray pour vaporiser de la glace, c'est génial, ça fait trop du bien, j'aurais bien aimé qu'il me le laisse. Un autre infirmier passe, regarde ma cheville et s'exclame : "Houlà, ça va être chaud ça!". Merci, très rassurant...
Et puis je suis installée dans une salle d'attente. Premier réflexe (je suis une habituée des urgences), je compte les gens. 12 personnes devant moi. Pour un service d'urgences, je trouve que ça va, ça ne fait pas tant de monde que ça. Jusqu'à ce que, en les observant, je comprenne que je suis déjà dans un service spécialisé. Tous sont blessés au pied. Du coup, je réalise comme l'attente va être longue... Je me mords les lèvres et contiens ma douleur.
Il y a un petit jeune dans la salle d'attente, genre 17 ans, avec sa mère. Il a une cheville enflée. Son premier réflexe est de la prendre en photo pour la poster sur facebook, puis il lit les commentaires à sa mère... Je suis choquée. A un moment, il me regarde, et montre ma cheville à sa mère, l'air impressionné : "T'as vu ça?". J'aurais dû lui proposer d'en prendre une photo !
Comme j'ai trop mal, j'interpelle une infirmière pour ravoir de la glace. Elle m'amène une serviette réfrigérante. C'est déjà un grand soulagement. Je vois les gens autour de moi, apparemment on m'a mis dans la catégorie des chevilles foulées. ça me rassure et m'inquiète à la fois : j'aimerais bien n'avoir qu'une entorse, mais je sens bien que c'est plus que ça. Et si les médecins pensent que c'est une entorse, je vais attendre plus longtemps...
C'est effectivement ce qui arrive. Il faut que j'attende que les 12 personnes soient passées avant d'être reçue en consultation. Même pendant la consultation, l'interne a l'air de penser que c'est une entorse; mais il veut quand même faire des radios, heureusement ! Je regarde ce qu'il écrit sur son ordi ; je vois qu'il note que j'ai un "oeuf de pigeon".
C'est le radiologue qui le premier a eu l'air de comprendre comme j'avais mal. Il me dit qu'une telle douleur, c'est sûrement autre chose qu'une foulure...
Je retourne dans la salle d'attente le temps des résultats. Mon copain a fait du forcing à l'accueil, alors il me rejoint, encore heureux, j'en peux plus d'être toute seule... Le médecin revient me dire qu'il y a une fracture au niveau du péroné. Pendant presque une demi-heure, lui et le chirurgien discutent pour savoir s'il vaut mieux opérer avant de plâtrer ou juste plâtrer. Moi, je souffre et je déprime. Je vois tous mes projets d'été s'écrouler. Mon copain lui, flippe. Il sent qu'il va devoir gérer notre quotidien dans les jours à venir.
Finalement, on m'emmène au bloc. Pour quelques secondes à peine, car les anesthésistes se sont montrées choquées en me voyant arriver : je ne suis pas en tenue, on ne m'a pas fait de bilan ni rien... Donc marche arrière, le temps au moins de me mettre en tenue d'hôpital, ces espèces de chemises dont j'ai horreur habituellement, mais là j'ai tellement mal que je me laisse faire sans râler.
Les anesthésistes essayent de blaguer un peu avec moi, puis elle m'injectent le produit pour dormir. Apparemment, le chirurgien est venu m'expliquer ce qu'il allait faire et la suite des opérations ; mais je ne m'en souviens absolument pas. Je sais juste que maintenant, j'ai deux vis dans le pied.
Puis salle de réveil. Je suis un peu sonnée mais j'émerge doucement. On m'emmène ensuite dans une chambre : apparemment je ne sortirai que demain. J'ai encore très mal. C'est normal, paraît-il. Mon chéri passe me voir un peu, me donne des nouvelles de nos amis puis leur transmet des miennes. Dans ma chambre, il y a une femme qui a un sein en moins et qui regarde la télé. Quand je suis arrivée, elle regardait les anges de la télé. Heureusement, elle a changé... Mais comme elle a dormi toute la journée dit-elle, elle n'arrive pas à dormir. La télé restera donc allumée toute la nuit. De toute façon, moi je ne peux que somnoler, j'ai trop mal et en plus je dois rester sur le dos.
Dès que mon chéri est parti, cette femme a commencé à bavarder avec moi. Je n'avais rien contre elle; mais je n'étais pas spécialement d'humeur... Du coup j'ai fini par lui faire croire que mes anti-douleurs étaient des somnifères, et que je m'endormais.
Dans la soirée, j'ai appris par sms qu'une amie s'est cassé un bout de dent au parc, et une autre a attrapé une insolation... Je pense qu'on n'y retournera pas de si tôt !
Quelle longue, looooonnngue journée... Et je sens que les jours à venir vont être encore plus longs.
Chroniques d'une plâtrée : Introduction
Ici commence ce que j'appelle "chronique", qui sera en fait un journal, d'une durée minimale de 45 jours, temps durant lequel je serai pied dans le plâtre... Je vais donc un peu vous raconter ma life. Pourquoi ?
1) Parce que j'm'ennuie, déjà. 45 jours sans pouvoir bouger, s'activer etc, c'est très long. Alors du coup; ça m'occupe de vous raconter ma vie.
2) Parce que, qui sait, ça pourra peut-être vous servir un jour... Enfin je le souhaite pas. Mais ça pourra peut-être aussi servir aux gens actuellement plâtrés : au cours de ces descriptions de journées apparaissent quelques petites astuces que je développe au fil des jours !
3) Parce que ça vous fera peut-être marrer, surtout si vous êtes sadiques.
4) Parce que j'aime bien écrire, et partager ce que j'écris.
ça vous suffit, 4 raisons ?
Bon alors on y va !
Et les Poissons partirent combattre les hommes
Et les poissons partirent combattre les hommes. Texte Angélica Liddel, conception et mise en jeu Cécile Kiffer (comédienne) et François Possémé (musicien). Vu au Studio Théâtre, mardi 27 novembre 2012.
Les premières minutes, on ne comprend pas. On se demande où l'on est tombé. On s'inquiète, on a peur de ne jamais comprendre, ou de s'ennuyer. Et puis, on se laisse embarquer. Par ce texte splendidement saisissant; par cette femme à la hargne effroyable... Oui, c'était tout ça. Splendide, effrayant, saisissant, hargneux. Violent, parfois. On est pris aux tripes, parce que c'est justement avec ses tripes que cette comédienne nous fait son récit social et antisocial, politique et antipolitique. Oui, M. La Pute: vous nous donnez la gerbe. Et après tout, des monsieur la pute, il y en a des dizaines, autour de nous...
Il faut croire que les pièces du moment ne sont pas axées sur la joie de vivre... Mais qu'importe; elles nous touchent.
J'admire.
Les mots d'une amis qui a vu la pièce aussi : "J'ai adoré le raisonnement construit autour des poissons se nourrissant d'immigrés morts en mer et se transformant peu à peu en humains. C'était à la fois troublant et fascinant ! L'actrice crache littéralement ses tripes sur scène, une magnifique prestation !
... Big up à M. Lapute, que j'ai pris pour une vraie personne tout au long de la pièce alors que c'était qu'un mannequin XD"
(Ouais, ça c'était rigolo)